J'habite près d'Hennebont, un tout petit ruisseau Qui passe, près de chez vous, dans les bas de Kerlois. Entre les campagnols qui vivent dans les eaux Et les grenouilles vertes ou rousses, j'ai du choix. Mon ruisseau est discret et coule vers le Blavet. Des carex opulents y penchent leurs panicules. Des œnanthes céleri voisinent aux renoncules. Il y a même des tritons, mais ceux-là sont palmés. Mon territoire est vaste, mais il est linéaire. Des rives du bord des eaux, je ne m'éloigne guère. Il comprend mon ruisseau jusqu'au vieux cimetière Où s'envasent des bateaux qui datent d'avant guerre. Je laisse souvent des traces quand la marée descend Entre les laisses d'algues qu'oublie le mascaret. Parfois, on peut me voir sous les talus penchants Que retiennent les racines des frênes ripariés. Je cours, en bondissant, par-dessus les gisants Qui encombrent les rives où poussent des cransons. Je m'arrête, je renifle et je gobe en passant Un bébé de grenouille encore au biberon. Je me coule dans l'eau sans faire aucun remous Et nage au ras de l'onde sans le moindre sillon. Je me distingue ainsi des ragondins brouillons, Ces rustauds aux dents sales qui se moquent de nous, Parce qu'on nous pourchasse, on nous piège, on nous traque Pour faire des manteaux à des femmes qui sont patraques, Qui s'enrhument d'un rien. ____________________Malgré tous les écus De leurs riches amants, elles n'ont rien sur le cul !
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