Je ne crie que la nuit et pas tant que cela. D'abord, je ne crie pas, je chante, c'est différent. Tant que le soleil luit, je me tais, simplement. Chez certaines espèces, les cris sont importants. C'est le cas, par exemple, des oiseaux des forêts. S'ils se perdent de vue, cachés dans la feuillée… Puisqu'ils sont invisibles, ils peuvent être bruyants ! Nous, nous sommes discrets, car sur les steppes herbues Où nous cachons nos nids d'une crotte de lapin, Nous vêtons de kaki, invisibles de loin. Le jour, nous bougeons peu pour ne pas être vus. Pour communiquer, nous avons développé Un langage de signes comme pour les sourds et muets. Le code est compliqué, l'apprendre est difficile. Il vous serait plus simple de traduire tout Virgile. D'abord, regardez bien la position du corps. Penche-t-il vers l'avant pour une révérence ? Est-il vertical comme celui du butor ? Les pattes fléchissent-elles pour quelque pas de danse ? Les plumes de la poitrine sont-elles hérissées ? La tête est près du sol ou s'est-elle redressée ? Le bec est vers le bas, pointe-t-il vers le ciel ? Ce sont là quelques signes de nos référentiels… Mais j'avais oublié, regardez bien les ailes Que l'on maintient plaquées ou bien que l'on relève. On peut bien sûr, aussi, les étendre comme ombrelle Ou bien n'en baisser qu'une, d'une secousse brève Ou bien plus longuement, en tournant sur nous-mêmes Pour offrir des aspects différents et extrêmes D'habitus changeants dont je suis sûr pourtant Que vous n'avez pas pu tous les apprécier. Parlerai-je de ma queue et vous allez craquer ? Imaginez un peu l'immense combinatoire Que nous offrent ces signes comme autant de phonèmes. Arrêtez donc un peu, d'imaginer et croire Que vous êtes les seuls animaux phénomènes Qui utiliseraient un langage compliqué. Je vous mets au défi de comprendre le mien Dans toutes ses nuances, toutes ses variétés… Que comprenez-vous quand la queue remue le chien ? Je sais que vous avez consacré bien du temps Á m'épier sur mon nid sur mes friches beauceronnes… Sûrement mélangé mes voyelles, mes consonnes Et compris, je l'espère, que même les savants Mettraient beaucoup de temps pour percer mes mystères… S'ils y arrivent, un jour, avant que sur la terre, Je ne sois disparu, tout à fait, à jamais. Mais qui s'en souciera ? Qui va me regretter ? D'autant que je sais qu'on ne sait pas que j'existe ! J'ai appris récemment que les écologistes Ne s'intéressaient qu'à leurs scores aux élections ! Que voulez-vous qu'ils fassent si comme information, Vous aller raconter qu'au sortir de mes œufs, Mes petits ont le bec et les pattes toutes bleues ? Ça vaut pas un kopeck ! Puisque dès qu'ils sont secs, Ils deviennent dans l'heure aussi jaune que le beurre. Je sais, vous n'aimez guère ceux qu'on paie pour la guerre. Remerciez les quand même… ____________________Sans terrains militaires, C'est chez les antiquaires qu'il vous faudrait aller Pour voir des œdicnèmes… qui seraient empaillés !
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